Il n’existe pas une bonne façon de faire. Cet article propose des repères pour aider à aborder ce sujet difficile avec l’enfant, sans chercher à poser d’injonctions rigides.
Chacun fait comme il peut, avec ce qu’il est et la manière dont il parvient à gérer sa propre souffrance.
Est-il utile d'en parler ?
Quel que soit l’âge de l’enfant, il apparait important de lui parler du décès d’un proche. Même si ses proches ne lui disent rien, leurs attitudes, leur façon de parler, leurs gestes s’expriment pour eux. L’enfant, même tout petit, ressent ces bouleversements dans les attitudes des adultes. Il ne sait pas forcément mettre des mots dessus, néanmoins il perçoit ce changement et les déséquilibres induits par le décès et le deuil. L’enfant doit pouvoir comprendre ce qui se passe autour de lui : pourquoi les adultes pleurent, pourquoi ils sont bouleversés, pourquoi ils ne sont plus disponibles comme avant. Il semble donc utile de mettre des mots sur ce qui est à l’origine de ce changement si brutal dans les réactions de ses proches. Et ainsi lui permettre de dire ce que lui, à son niveau, est en train de vivre. Le silence ne le protège pas, car cet évènement aussi douloureux soit-il fait partie de son histoire individuelle et familiale.
Pour autant, la mort est un sujet difficile à aborder et il n’existe pas de méthode prête à l’emploi pour le faire. Quelques repères peuvent toutefois vous aider.
Respecter le rythme de chacun : le sien et celui de l'enfant
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- Suivre son propre rythme
En premier lieu, c’est à travers ce que l’on se sent capable de dire, et ce que l’on est prêt à partager, que l’on peut parler de la mort à un enfant. Si votre peine est telle qu’elle vous empêche de lui parler, n’hésitez pas à lui confier que votre chagrin est trop pesant et que, pour l’instant, vous ne pouvez pas lui en dire plus. Il est également possible de dire à l’enfant qu’il est difficile de trouver les mots justes et que le sujet vous met mal à l’aise. En somme, il s’agit d’être au clair avec ses propres ressentis afin de pouvoir les exprimer de manière authentique à l’enfant.
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- Suivre le rythme de l’enfant
Aller chercher l’enfant là où il se trouve
Parler de la mort à un enfant demande avant tout de respecter son rythme, ses émotions et sa manière à lui de comprendre les choses. Pour cela, une première étape précieuse consiste à explorer avec lui les représentations qu’il se fait du décès, de la mort et de la personne disparue.
Les enfants construisent leur compréhension de la mort à partir de ce qu’ils entendent, observent ou ressentent. Ils captent des bribes de conversations, des mots échappés, des attitudes. A partir de ces éléments, ils élaborent des représentations du décès, du défunt, de la mort elle-même (parfois assez éloignées de la réalité). Ces images mentales peuvent susciter des interrogations, des inquiétudes ou des émotions qu’ils expriment… ou non.
Certains enfants posent des questions dès l’annonce du décès, d’autres attendent plusieurs jours, voire des semaines, pour les formuler (souvent à des moments inattendus). D’autres encore choisissent de ne rien dire, gardant leurs pensées et leurs questions pour eux. Il arrive aussi qu’un enfant répète plusieurs fois la même question, comme pour vérifier, comprendre ou apprivoiser peu à peu une réalité difficile à saisir.
Quelle que soit la manière dont l’enfant s’exprime (par la parole, le jeu, le silence ou la répétition), il est précieux de l’accompagner petit à petit dans ce cheminement intérieur. Lorsque des questions émergent, il peut être aidant de commencer par lui demander, en premier lieu, ce qu’il en pense : « Et toi, comment tu vois les choses ? » ou « Qu’est-ce que tu imagines ? ». Ces invitations permettent de mieux comprendre ses représentations, et d’ajuster les réponses en fonction de ce qu’il vit intérieurement.
Lui tendre la main… sans tirer dessus
Respecter le rythme de l’enfant suppose également d’accepter ses silences, ses hésitations, ses réticences à parler. Il n’est pas nécessaire, ni souhaitable, de le forcer à parler de ce qu’il ressent, de ce qu’il pense, s’il ne s’en sent pas prêt.
Et en même temps, être attentif à son rythme, c’est aussi observer ce qu’il exprime au delà des mots. Les changements de comportement, les signes de mal-être (troubles du sommeil ou de l’appétit, isolement, irritabilité, crises de colère…) sont des indicateurs précieux. Face à eux, il est possible d’ouvrir doucement la porte à la parole, en posant des questions simples, ouvertes, sans insister : « Est-ce que tu penses souvent à la personne décédée ? » ; « Est-ce que tu te sens triste ou en colère parce qu’elle n’est plus là ? » ; « J’ai l’impression que tu es en colère. Tu sais pourquoi ? Tu as le droit d’être en colère. »
Pour encourager l’enfant à parler, l’adulte peut aussi montrer l’exemple en exprimant ses propres émotions avec sincérité et simplicité : « Elle me manque beaucoup, et parfois ça me rend triste. » « Il m’arrive de pleurer quand je pense à lui. » Ce partage, sans attente ni pression, crée un espace sécurisant où l’enfant peut, s’il le souhaite, déposer à son tour ce qu’il ressent.
Quelques repères pour trouver les mots justes
- Utiliser des mots simples et vrais
Dans ce sens, une attention particulière doit être portée aux figures de style que l’on utilise et qui peuvent être source de confusion pour l’enfant. Autant de mots, autant d’expressions qui, se voulant apaisants, peuvent au contraire renforcer l’anxiété de l’enfant.
L’enfant ne dispose pas de la même compréhension du monde que l’adulte. Il est donc important d’utiliser des mots simples, adaptés à son niveau de développement, des mots justes et concrets pour l’aider à assimiler cette réalité.
– Etre mort ce n’est pas être « endormi ». Dire à un enfant que le défunt ne s’est pas réveillé et qu’il est endormi pour toujours, c’est faire du sommeil une menace permanente de mort.
– Etre mort ce n’est pas non plus « être parti » ou « faire un voyage ». Comment l’enfant pourrait-il comprendre que le défunt soit parti sans lui dire au revoir ? Et cela donne l’illusion que le défunt pourrait revenir un jour.
Il est donc important de bien choisir ses mots. Et lorsque ces expressions sont utilisées, il semble important de préciser qu’il s’agit d’une façon de parler, d’une croyance.
Le mot « mort » peut être prononcé et expliciter en termes simples et accessibles pour l’enfant. Voici quelques exemples :
– le corps ne souffre plus une fois qu’on est mort
– quand on est mort : on ne respire plus, on ne bouge plus, le cœur s’arrête de battre
– la personne décédée ne sera pas oubliée et il est possible de continuer de l’aimer : « tu ne peux plus le voir avec tes yeux mais tu peux garder son souvenir et penser à lui dans ta tête et dans ton cœur ».
NB : il existe de nombreux livres pour enfant qui abordent le sujet de la mort et du deuil. Cela peut aider l’adulte à aborder ce sujet et échanger avec l’enfant.
- Mettre des mots sur les émotions qui nous traversent
On pense souvent que masquer ses émotions face à l’enfant permet de le protéger, de ne pas accentuer sa détresse. Or, il est vain de penser que l’enfant est dupe de la détresse du parent. Les indices peuvent être nombreux (l’adulte peut sembler absent, peu disponible, plus irritable, etc.). Finalement, ce n’est pas tant le fait de voir un proche pleurer qui perturbe l’enfant que de ne pas savoir pourquoi il pleure. Si l’adulte explique à l’enfant ce qu’il ressent (tristesse, inquiétude, colère…) l’enfant se sentira autorisé à son tour à exprimer ce qu’il vit sans chercher à maîtriser son chagrin pour ne pas faire de la peine aux adultes. Il est également important de lui préciser qu’il n’est pas responsable de la détresse de l’adulte. De plus, le rôle de l’enfant n’est évidemment pas de porter la souffrance de l’adulte ou de le consoler. Ainsi, il s’agit de trouver un juste équilibre, sans masquer ou à l’inverse tout déverser sans filtre.
- Eviter de mentir à l’enfant
Pour parler de la mort à un enfant, il semble essentiel de se montrer honnête. Les mensonges, les silences, les non-dits, les métaphores cherchant à préserver l’enfant des réalités de son existence ne sont pas protecteurs. Ils attestent des tentatives de l’adulte visant à échapper à la réalité du présent et ne font que différer les questions que l’enfant ne manquera pas de poser en grandissant.
De plus, lorsque l’enfant réalise que l’adulte lui a menti, la confiance qu’il accordait à l’adulte peut être altérée, parfois durablement. Des non-réponses, des mensonges peuvent être source de malaise, voire de souffrance chez l’enfant qui perçoit très vite le décalage entre la réalité et ce qu’on lui dit de cette réalité.
Cela ne veut pas dire, pour autant, qu’il faut leur donner tous les détails et parler de la mort de manière crue.
- Faire la différence entre faits et croyances
La mort reste mystérieuse par de nombreux aspects. « Que se passe-t-il une fois que l’on meurt ? », « Où va-t-on une fois qu’on est mort ? » sont autant de questions qui ne trouvent pas forcément de réponse. Il semble important d’assumer face à l’enfant qu’il y a des choses que l’on ne sait pas. Cela n’empêche pas de partager avec lui ses propres croyances.
Par exemple : « personne ne sait ce qu’il y a après la mort, moi je pense que l’on va au paradis, au ciel, mais tout le monde ne pense pas comme moi » ; « La vie après la mort je ne peux pas exactement t’expliquer ce que c’est car je ne sais pas ; de même que je ne peux pas dire que ça n’existe pas. Personne ne sait ce qui se passe vraiment. Les êtres humains espèrent et certains ont des croyances »
En somme, les croyances sont importantes car elles peuvent aider dans le processus de deuil à vivre l’absence du défunt.
QUELQUES REPERES POUR ACCOMPAGNER L’ENFANT DANS SON DEUIL
La mort génère de nombreuses émotions négatives (anxiété, tristesse, colère). Face à celles-ci, l’adulte joue un rôle essentiel pour rassurer l’enfant et l’aider à cheminer dans son deuil.
Quelques exemples de voies qui peuvent être empruntées pour accompagner l’enfant dans son deuil et le rassurer :
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- Lui exprimer et lui montrer qu’il n’est pas seul
- Lui expliquer que la mort n’est pas l’oubli et le souvenir de la personne disparue reste présent dans les cœurs car l’amour ne meurt pas
- Parler du défunt pour maintenir son souvenir
- Accrocher au mur une photo du défunt
- Ecrire une lettre au défunt
- Créer une boite à souvenirs
- Aller se recueillir sur la tombe
- Etc.
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